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Burundi : infertilité des couples et calvaire des femmes

Par Jean-Bosco Ntaconayigize

L’infertilité d’un couple peut être définie comme «  l’absence d’une grossesse évolutive au bout d’une année de rapports sexuels réguliers non protégés et sans contraceptifs ». L’infertilité peut toucher l’homme, la femme ou les deux à la fois ; elle se différencie de la stérilité dans la mesure où cette dernière renvoie au caractère potentiellement définitif d’une infertilité. L’épreuve de l’infertilité d’un couple réveille une multitude de questions et de sentiments dont la plupart écrase la femme : doute, colère, mis au ban de la société, sentiment de culpabilité et d’infériorité, voilà le quotidien des femmes dont les couples sont frappés d’infertilité et qui tentent désespérément de procréer. Face à une situation qui reste tabou pour beaucoup, Margueritte Nizigama de la province Kirundo, au nord du pays, a accepté de témoigner sur ce phénomène aux conséquences désastreuses sur le noyau social et la communauté, ce catalyseur de la discrimination envers les femmes. Margueritte affirme avoir posé des actes maladroits à cause de la souffrance. Témoignage exclusif d’un couple.

Margueritte Nizigama est une femme de la colline Nyagisozi en commune Busoni, province Kirundo. Elle informe que seule sa première année de mariage a été heureuse. Dès la deuxième année, sa belle-famille commençait à la prendre pour stérile et affirmait qu’elle était frappée d’une malédiction et son mari commençait à la traiter de « sorcière ». 

« Je passais des nuits blanches à réfléchir sur la faute que j’aurais commise pour ne pas procréer », confie Margueritte. Lorsqu’elle était avec ses amies, ces dernières ne cessaient  de parler de leurs enfants, une manière de rappeler à Margueritte qu’elle n’avait pas d’enfants, ce qui était traumatisant pour elle.  Après plusieurs années d’attente et d’espoirs  déçus, Margueritte a rencontré une amie qui l’a conduite chez un guérisseur, « réputé » chasseur des  mauvais sorts, convaincue qu’elle était frappée d’une malédiction. 

«  J’ai consulté ce guérisseur pendant six mois, il m’a donné des solutions à base d’herbe que je buvais à grand flot, il m’a trempée dans une source d’eau pour me purifier mais mon sort n’a pas changé », se souvient-elle.

 Et au-dessus de tout, ce guérisseur l’a escroquée une somme d’argent non négligeable. « J’ai perdu mon temps dans des voies sans issue », regrette Margueritte. Cette mésaventure  s’est mal terminée puisque Margueritte a été renvoyée arguant qu’une femme stérile n’avait rien à faire dans la maison d’un homme.

                               A quelque chose, malheur est bon…

Chassée du toit conjugal, Margueritte s’est rendue chez sa grande sœur Consolatte  qui habitait  à Bujumbura. Cette dernière fut touchée par le calvaire qu’a vécu Margueritte et décida de la faire soigner. «  Après une série de tests médicaux à différentes structures de soins, on m’a confirmée que je n’avais pas de problèmes en matière de mettre au monde », raconte-t-elle.

 « Je ne voulais pas y croire, moi que la belle- famille et la communauté avait déjà condamnée », précise-t-elle, avant d’ajouter : « C’est lorsque le médecin m’a appelée pour un entretien que j’ai compris ce qui se serait passé ».

 Le médecin a longuement expliqué à Margueritte les causes probables d’une infertilité : « L’infertilité vient souvent d’une infection sexuellement transmissible mal ou non soignée. Cela entraîne une occlusion des trompes chez les femmes, ce qui empêche à l’embryon de nicher ; elle entraîne également une azoospermie excrétoire chez l’homme, ce qui entraîne une obturation des canaux transportant le sperme. La tuberculose peut aussi avoir des conséquences aussi bien sur la femme que chez l’homme. Des interruptions de grossesses non médicalisées occasionnent aussi des infections », se souvient cette femme de Busoni.

 Elle se rappelle également que le médecin lui a dit que «  lorsque les trompes sont bouchées, la seule solution pour enfanter est de recourir à la procréation médicalement assistée », mais a déploré qu’il existe  en Afrique  peu de structures de soins spécialisées en la matière.

 D’une manière générale, Margueritte a été signifiée que dans la plupart des cas d’infertilité, de nombreux traitements améliorent de façon significative les chances de grossesse. Et ce médecin d’inviter Margueritte d’aller sensibiliser son époux afin qu’il vienne se faire consulter. « Une fois le diagnostic réalisé, il y’a de fortes chances que le problème soit traité et que par la suite vous soyez père et mère d’enfants », a-t-il expliqué.

L’entretien avec le médecin aura été une véritable thérapie pour Margueritte, selon son témoignage. « Je ne me sentais plus coupable ou anéantie comme avant » confie-t-elle, avant d’ajouter « Je remerciais de tout mon cœur ce médecin qui venait de me déculpabiliser, je remerciais ma sœur qui m’avait conduite à cet endroit et qui a supporté le coût ».La question qui restait, et non des moindres, était de convaincre mon époux de faire des consultations, lui qui pensait que l’infertilité était l’affaire des seules femmes. Face à cette incertitude, sa sœur décida  encore une fois de s’y impliquer.

                                         Un arroseur arrosé,…

«  Dans le désarroi de pouvoir convaincre mon mari, ma sœur m’a dit qu’elle allait m’accompagner jusqu’au bout, et je me suis sentie réconfortée », raconte-t-elle. Elle précise qu’elles ont fait la première escale chez leurs parents. Là, elles ont expliqué  ce qu’avaient révélé les analyses des laboratoires.

 « Ma mère a pleuré de joie car elle s’était sentie trahie par mon cas » relate Margueritte. Le lendemain, les deux sœurs se sont rendues chez Mathieu, l’époux de Margueritte munies d’un petit cadeau. 

« Nous avons été accueillies dans la froideur mais progressivement la situation s’est détendue », confie-t-elle, avant de poursuivre : « Ma sœur a entamé une longue dissertation de ce qui s’est passé  pour arriver, enfin, à la conclusion que je n’étais pas du tout infertile, que probablement c’était lui qui avait ce problème ». Elle a terminé en invitant mon mari de songer à faire des examens médicaux, tout en promettant d’apporter son appui «  à condition que cela se passe dans les meilleurs délais ».

 Après une longue méditation et une peur qui se lisait sur son visage, Mathieu s’est excusé de tout ce qui s’était passé révélant qu’il avait cédé aux pressions de ses parents et de certains de ses amis.  « Il m’a invitée à rester à la maison et de préparer ensemble  le voyage vers Bujumbura. Elle a remercié ma sœur pour cette initiative qui a conduit à la connaissance de la vérité tout en promettant de la rejoindre dans une semaine pour des consultations médicales », raconte Margueritte. « Depuis, la vie au foyer est redevenue vivable mais Mathieu restait très inquiet de son état », ajoute-t-elle.

Cinq jours après, Mathieu est allé à Bujumbura pour des consultations médicales. « Je l’ai accompagné comme il me l’avait demandé  et je me suis réjouie qu’il ne soit pas de ces hommes qui refusent de se faire tester prétextant que l’infertilité ne peut pas venir d’eux», informe Margueritte.

« Ma sœur s’est mise à notre disposition et nous a conduit chez le médecin qui m’avait traitée », ajoute-t-elle. Mathieu a eu quatre rendez-vous avant que le diagnostic ne tombe. «Sans surprise pour moi, il a été déclaré  infertile  mais la nouvelle a été accueillie comme un coup de poignard dans le dos  chez Mathieu », se souvient- t-elle.

 Cependant tout n’était pas perdu car le médecin a rassuré Mathieu que son problème finirait par disparaître, à condition qu’il suive le traitement prescrit et les conseils reçus. « Cela  a réconforté mon mari », avoue Margueritte, précisant que le couple n’avait pas assez d’argent.  «  Ma sœur nous a ajouté une grosse somme d’argent, surtout pour le traitement, et nous lui en serons toujours reconnaissants », témoigne Margueritte.

Mathieu a été soumis à un traitement régulier et multipliait les visites chez son médecin. Au bout de seize mois, Margueritte a  senti quelque chose qui bougeait dans le ventre. «  Pour me rassurer, je suis allée au centre de santé et on m’a confirmé que j’étais  enceinte », lance Margueritte, très contente.

                                La renaissance du couple,…

La naissance a marqué un nouveau tournant dans le couple. « Mon mari m’ demandé pardon pour tous les torts qu’il m’avait causés, ses parents sont venus nous présenter des excuses pour le comportement indigne qu’ils ont affiché. De mon côté, j’ai pardonné et je me suis réconciliée avec tout le monde », affirme Margueritte.

« Nos amis qui me croyaient stérile nous rendaient régulièrement des visites pour nous demander ce qui s’était passé et s’étonnaient de me voir mettre au monde après six ans de mariage », assure cette femme du Nord du Burundi. Elle ajoute que ceux qui ont entendu le témoignage du couple sur leur infertilité n’en croyaient pas à leurs oreilles.

 Margueritte fait état de plusieurs femmes ayant des problèmes de progéniture qui se confient à elle pour des conseils. «  Je leur demande toujours de consulter les médecins. Des fois ça s’arrange, des fois il faut attendre plus longtemps et quelque fois des moyens pour se faire dépister manquent », reconnaît-elle. Parallèlement, Mathieu est également sollicité par des hommes qui peinent à avoir la première naissance. « Nous sommes devenus comme des médecins- conseil », se félicite cette femme de Busoni.

Actuellement Margueritte attend son deuxième enfant. Elle ne manque pas d’interpeller tous les couples infertiles  à briser la stigmatisation et les tabous qui pèsent sur eux et de se confier aux structures de soins. Enfin les hommes sont demandés de savoir que l’infertilité n’est pas une fatalité et qu’elle touche aussi bien l’homme que la femme.

Gaspard Maheburwa

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