Par Gaspard Maheburwa
La femme occupe une place de choix dans le développement du Burundi. La représentation des femmes dans les institutions élues ou structures publiques respecte le quota de 30%.Aujourd’hui, nous observons des améliorations au niveau des services publics et privés qui, naguère , étaient l’apanage des seuls hommes. Les femmes sont perceptibles dans les organes de prise de décision et cela montre la suppression des barrières qui les limitaient à accéder à certains postes. Il y a encore à améliorer mais les efforts déjà entrepris par différents acteurs sont éloquents. Détails.
La Burundaise est visible dans plusieurs secteurs. Cette visibilité trouve source dans plusieurs instruments nationaux et internationaux pris en compte au Burundi.
La Déclaration du Programme d’actions adoptées à Beijing en 1995 demeure une référence incontournable qui a marqué un tournant historique dans le combat pour les droits de la femme et la non-discrimination.
Le 31 Octobre 2000 , le Conseil de Sécurité des Nations Unies a adopté à l’unanimité la résolution 1325 sur les femmes , la paix et la sécurité pendant la présidence au Conseil de Sécurité des Nations Unies de la Namibie.
Cette résolution requiert des actions spécifiques des femmes au niveau décisionnel dans la prévention , la gestion et la résolution des conflits. Elle vise l’intervention des femmes et filles dans toutes les interventions de règlement des conflits et de consolidation de la paix.
Des instruments nationaux existent aussi pour montrer à quel point l’autonomisation des femmes figure sur les points à inscrire sur les grands agendas du pays. C’est par exemple les décrets, lois et autres textes consacrant l’autonomisation de la femme au Burundi.
Les faits sont là. Si vous faites un tour dans plusieurs services du pays, vous remarquerez la présence des femmes. Cette présence n’est pas seulement physique; elle a également une expression en termes de qualité des prestations. Du domaine de la construction à celui de la gouvernance, les femmes se démarquent par leur détermination à fournir un travail de qualité.
Selon Women Connect, une organisation qui milite pour l’autonomisation de la femme, « les femmes et les filles burundaises participant aux opportunités de relèvement socio-économique bénéficient des appuis divers» (https://www.womenconnect.org/fr/web/burundi/empowerment )
Dans la même logique , le Programme National de Renforcement des capacités de la femme 2019-2027, adopté en juillet 2019 est un exemple clair des initiatives entreprises dans le but de faire vibrer l’autonomisation de la femme au Burundi. En effet, d’après toujours Women Connect, ce programme a l’objectif de réaliser l’égalité des sexes et d’autonomiser les femmes et les filles en contribuant au renforcement de l’accès des femmes aux ressources en offrant des services de promotion politique , économique, structurelle, organisationnelle, …
La femme burundaise peut faire plus que les hommes
« Ça fait 30 ans que je suis dans la construction en qualité de contre-maître. Il y a 10 ans au moins que j’ai commencé à voir des femmes venir me demander du travail d’aide-maçon. Je vous le dis franchement, si vous voulez que votre chantier avance , recrutez des femmes. Elles sont obéissantes et travaillent avec énergie », témoigne François Ndabirorere, un contre-maître rencontré sur un chantier de construction au quartier Nyabugete en mairie de Bujumbura.
Selon lui, la conjoncture socio-économique dans laquelle le monde est plongé depuis des années a généré des héros qui se battent pour la vie. Les femmes n’ont pas été épargnées.
La femme burundaise n’offre pas seulement de services de bonne qualité dans des services créés et gérés par des hommes, elle peut également monter son propre business et créer des emplois pour les hommes. Il y a quelques jours , le Programme d’autonomisation économique et d’emplois des jeunes ( PAEEJ), visant à appuyer le Gouvernement du Burundi en matière de la création d’emplois pour les 19 provinces, 119 communes et 2914 collines du Burundi, a lancé un concours à projets pour les jeunes.
Dans ce concours, nous remarquons que les jeunes filles se taillent une part importante. Il convient de signaler , ici , le 5ème prix décroché par Christa Bella Ndihokubwayo de la commune Giheta ,province Gitega qui a présenté un projet de transformation du soja et dont le financement remboursable s’élève à 10 millions de Francs Burundais. Des cas similaires, à celui de Christa Bella sont signalés partout dans le pays. D’autres cas de jeunes filles qui occupent les premières places dans ce concours existent en abondance.
L’entrepreneuriat attire la femme burundaise
Sur le plan entrepreneurial, la femme burundaise démontre ses capacités. C’est un secteur qui demande de la rigueur et des efforts sacro-saints mais la femme y est déjà. Le Gouvernement du Burundi a mis en place un mécanisme d’inclusion financière des femmes à travers le Fonds de Microcrédit Rural ( FMCR appuyé par le PNUD). Celui-ci a fourni en 2017 , (selon le rapport national d’évaluation de la mise en application de la déclaration et du programme d’actions de Beijing, dit aussi « Beijing+25 », publié en mai 2019 ) 45 559 emplois dont 32% en faveur des femmes.
Cela signifie que l’inclusion financière de la femme burundaise est une priorité de ce fonds. Les modèles ne manquent pas à ce sujet. Certains la surnomment Alitom pour avoir initié une usine de transformation de tomates. Alitom, du vrai nom Alice Habonimana , a surpris le monde burundais des affaires dès sa sortie de l’école secondaire. Après avoir décroché son diplôme en Technologies d’industries agro-alimentaires, elle a vite investi en tomaterie.
Cette jeune fille évoluant à Bujumbura indique que la femme est perceptible dans le monde des affaires grâce à la conscientisation qui bat le plein depuis une certaine période. Elle fait savoir que la création d’usines de transformation agro-alimentaire reste un domaine à explorer davantage par et pour les femmes. : « Les femmes sont encore très peu nombreuses dans l’industrialisation parce que c’est un secteur qui renferme beaucoup de défis pour elles. C’est notamment la gestion technique et l’accès au capital », déclare Alice Habonimana.
Cette jeune entrepreneure révèle que la fille burundaise veut investir dans l’entrepreneuriat pour éviter la dépendance vis-à-vis de l’homme.
A ce titre , nous devons signaler que des sources vérifiables à travers le rapport sur Beijing+25 indiquent qu’il existe des institutions financières à travers des projets financés par le FIDA pour garantir l’octroi des crédits aux personnes vulnérables tout en soulignant qu’un crédit de 3 353 232 750 Francs Burundais a déjà été accordé à 10 049 personnes dont 5 614 femmes , soit 56% de femmes.
Alice Habonimana fait partie de ces femmes burundaises propriétaires d’entreprises qui ont déjà été financées par des ONGs. Elle a également gagné la crédibilité des Ambassades accréditées à Bujumbura qui l’invitent souvent pour des exposés dans différents évènements organisés au Burundi. Grâce à cette visibilité , Alitom a obtenu plusieurs bourses de stage à l’étranger.
Dans le cadre de l’investissement en matière de la Promotion de l’égalité des sexes,le Gouvernement burundais a élaboré, en collaboration avec l’ONUFEMMES , un projet d’autonomisation des femmes qui a permis la mise en place d’un Fonds de Garantie pérenne avec un montant de 740 000 Dollars américains pour faciliter l’accès des femmes au crédit.
Très récemment en mars 2022, avant la célébration de la journée internationale de la femme, la Banque d’Investissement et de Développement des Femmes ( BIDF) a été inaugurée à Gitega par le Président de la République du Burundi , Evariste Ndayishimiye. Ce jour là, il a précisé que l’objectif visé est d’autonomiser les femmes financièrement.
Dans les corps de défense et de sécurité
La femme burundaise n’est pas seulement visible dans l’administration. Sa présence au sein des corps de défense et de sécurité parle d’elle-même. Déjà, plusieurs femmes de grade d’officiers supérieurs, de sous-officiers et subalternes sont signalées dans l’armée et dans la police burundaises. Le rapport sur Beijing+25, déjà cité dans le présent article , fait état de 7 femmes officiers supérieurs au sein de la Force de Défense Nationale du Burundi ( FDNB ) et plus de 22 officiers au sein de la Police Nationale. Au niveau d’autres grades , des centaines de femmes sont signalées. En 2022, ce chiffre doit être plus élevé.
Lors de notre investigation, nous avons pu rencontrer Lieutenant Viviane Ndayishimiye , instructrice au centre d’instruction militaire dans la Force de Défense Nationale du Burundi. Evoluant dans l’armée burundaise depuis janvier 2013, cette jeune femme est l’incarnation d’un militaire achevé. D’un ton et regard rassurés , elle nous a indiqué que la femme contribue énormement dans le développement de l’armée: « La femme est militaire comme les autres. Elle est au service de la nation au même titre que son frère. En plus , il y a des rôles appropriés aux femmes. C’est par exemple au niveau des check points. Les femmes sont testées par les femmes»
Lieutenant Viviane Ndayishimiye martèle ses propos en affirmant qu’il y a des activités que les femmes exercent bien plus que les hommes. C’est entre autres la gestion ,le renseignement,…
Cependant, elle déplore le fait que la femme rurale n’a pas encore sa place qu’il faut. Elle indique: « La femme rurale s’occupe des travaux champêtres et de la famille en général mais la valeur de sa contribution n’est pas comptabilisée. Pour aboutir à l’autonomisation effective de la femme rurale, ça prendra encore du temps parce qu’il faut une grande sensibilisation visant les hommes au premier plan ».
La bravoure de cette jeune femme du grade d’officier au sein de l’armée burundaise a déjà été récompensée par le Numéro Un burundais. En effet, en date du 1er juillet 2021 , lors de la célébration du 59ème anniversaire de l’indépendance du Burundi , au Stade Intwari , en présence de plusieurs milliers de spectateurs , sous une retransmission en direct par des dizaines de stations de radiodiffusion sonore ainsi que des chaînes de télévisons émettant sur le territoire burundais, Lieutenant Viviane Ndayishimiye a été décorée par le Président de la République du Burundi, Evariste Ndayishimiye, avec un Certificat de discernement de l’ordre patriotique.
Pendant la même année, Viviane Ndayishimiye était en mission de maintien de la paix en Somalie auprès du contingent burundais préposé à la Mission de l’Union Africaine en Somalie-Amisom ( remplacée par la Mission de transition de l’Union Africaine en Somalie ,ATMIS, depuis mars 2022 ).
En février 2020 , lors de notre mission de reportage sur les activités du contingent burundais de l’Amisom ( https://radiotvbuntu.org/le-contingent-burundais-de-l-amisom/ ) , nous avons rencontré Major ( à cette époque) Francine Ndayisaba , alors Assistante au Chef d’Etat-Major de l’Amisom. D’après elle , même si le taux de participation des femmes dans les forces de défense nationale burundaise reste faible, la satisfaction et déjà là car l’armée implique les femmes dans les missions de maintien de la paix.
L’officier d’une expérience de 21 ans, lors de notre entretien, dans l’armée burundaise nous a fait savoir qu’elle avait déjà servi dans une autre mission de maintien de la paix au Darfour, au Soudan. Elle a lancé un appel au Gouvernement et plus spécialement à l’armée burundaise d’envisager l’augmentation du recrutement des femmes car, selon elle, ce sera bientôt un critère de sélection des pays qui participeront dans des missions de maintien de la paix.
Plus tôt ,avant l’entretien avec Major Francine Ndayisaba , nous étions au quartier général de l’Amisom. Là-bas, l’équipe de journalistes a rencontré le Général de Brigade Kabisa Domitien, alors Chef d’Etat-Major de la Force de l’Amisom unissant les pays contributeurs à la sécurisation de la Somalie. Cet officier supérieur nous a signifié que le contingent burundais de l’Amisom était fait d’hommes et de femmes et que les femmes étaient représentées dans les forces de maintien de la paix non seulement en Somalie mais aussi en République Centrafricaine.
Revenant sur Major Francine Ndayisaba , cette femme-militaire, mère de 4 enfants, a également souligné que malgré la distance qui la séparait de sa famille , elle remplissait au moins certaines obligations familiales (sourire au visage) en se servant des opportunités offertes par les nouvelles technologies de l’information et de la communication.
Ce témoignage, elle le partageait avec deux autres femmes-militaires burundaises en mission de maintien de la paix , le jour de notre entretien, à l’Amisom, Adjudent Nsavyimana et Caporal-Chef Bucanayandi.
Cette participation de la femme militaire burundaise dans l’armée et plus particulièrement dans une mission de maintien de la paix est une évidence de la mise en application de la résolution 1325 des Nations Unies par les institutions burundaises.
Les médias intéressent les femmes
Dans le but d’autonomiser la femme dans le secteur des médias, le Gouvernement du Burundi a adopté plusieurs textes législatifs qui favorisent l’accès des femmes à l’expression et à la participation de la prise de décision en matière de communication. C’est , par exemple, le Décret No 100 /127 du 29 août 2019 portant missions et organisation du Ministère de la Communication et des médias.
Des mois avant cette date d’août 2019 , c’est-à-dire le 26 février 2019 , il y a eu signature de la charte des médias pour la prise en compte des dimensions genre et jeunes dans les médias.
La présidente du Conseil National de la Communication, régulateur des médias burundais, en visite à la Radio TV Buntu à Ngozi , Vestine Nahimana, en date du 14 juillet 2022, s’est exprimée à propos de la place occupée par les femmes au Burundi.
Selon cette femme à la tête de l’instance de régulation des médias burundais, bien qu’il y ait encore à améliorer, le domaine de la presse a connu des avancées significatives quant au respect du genre. Elle a précisé que non seulement les femmes et filles affrontent le métier de journaliste, mais il y en a également qui osent investir dans le domaine des médias. L’exemple typique étant celui de la Radio TV Buntu, fondée par la présidente de la Fondation Buntu , Pasteur Denise Bucumi Nkurunziza , et qui fait la promotion du droit de la femme à travers des émissions radiodiffusées.
Il s’agit des émissions incitant la femme à se réveiller pour entreprendre des microprojets dans le but de voler de ses propres ailes.
A en croire Vestine Nahimana, la majeure partie des gagnants du concours des médias récemment organisé (Prix Media 2021) par le CNC était composée des femmes, ce qui laisse convaincre que ces dernières sont capables de travailler en compétition avec leurs confrères. « Il y a également la présidente de cet organe de régulation, CNC ,qui est une femme ainsi que la ministre ayant la communication dans ses attributions pour ne citer que celles-là », se réjouit l’Ambassadeur Nahimana.
S’agissant des technologies de l’information et de la communication, la femme doit jouer un rôle significatif dans ce secteur. En effet, entre le 25 et le 29 juillet 2022, une formation en marketing digital à l’endroit des jeunes filles et femmes a été organisée par le Ministère de la Communication, des TIC et des Médias en partenariat avec l’organisation Equals .
Francis Daddy Cubahiro, Directeur des infrastructures TIC au Ministère de la Communication, des TIC et des Médias et point focal d’Equals au Burundi a indiqué que cette formation a été organisée spécifiquement pour les jeunes filles et femmes parce qu’elles sont mieux disposées pour le marketing. Selon cet expert, à l’ère du numérique, avoir des compétences en marketing digital serait un atout particulier pour ces jeunes filles et femmes étudiantes et entrepreneures.
Il y a encore des étapes à franchir pour que l’autonomisation de la femme soit effective au Burundi. Cependant, il est louable de reconnaître les initiatives déjà entreprises dans ce secteur mais aussi de féliciter les femmes et les hommes qui comprennent que le développement sans participation de la femme n’est pas possible.
Les femmes qui s’investissent dans les domaines longtemps laissés aux seuls hommes sont également des marques d’histoire et constituent le véritable pilier de l’autonomisation de la femme. « A toutes les petites filles , ne doutez jamais que vous êtes puissantes. Vous êtes dignes de toutes les opportunités dans ce monde ; alors poursuivez vos rêves », Hillary Clinton.