Par Jean-Népomscène Irambona
Les cas de grossesses non désirées en milieu scolaire présentent des conséquences à tous les niveaux. Hormis les victimes qui subissent, certains avancent aussi la prise en charge que doit assurer le gouvernement quand la paternité du nouveau-né est refusée. Cependant, la catégorie de ces filles-mères n’est pas à négliger. Les ONGs et autres intervenants pensent à elles. Parmi ces organisations non gouvernementales, la Fondation Stamm souscrit à leur réintégration scolaire en vue de les aider à se préparer un avenir meilleur malgré le revers.
Bien que les chiffres ne soient toujours pas alarmants, au Lycée communal de Rukeco en commune scolaire de Busiga en province Ngozi, au moins 3 cas sont enregistrés sur un intervalle d’une année. Pourtant on en comptait cinq chaque année dans les années antérieures selon un témoignage de Nduwimana Lénine, directeur de cet établissement scolaire.
Cette autorité trouve que la baisse des cas est le fruit d’un encadrement de proximité assuré par des personnes dites « tontons et tantes scolaires ». Les victimes déjà réintégrées racontent leur vécu, revenant sur les difficultés rencontrées pendant la période pré et post natale.
Irangabiye Figène de la 3ème année dans la section des sciences sociales dit avoir été surprise après un mois de sa grossesse . Elle poursuit en faisant mention des menaces subies au niveau de la famille qui n’a pas pu supporter la situation.
« La famille va considérer cela comme une honte, étant donné que la victime ne manquait de rien. Des propos encore choquants seront également émis par les voisins qui croient que la fille s’est lancée dans la débauche », regrette Irangabiye. Un autre problème relaté est le manque de confiance au sein de la famille. Elle s’attend à ce que le même incident puisse se reproduire comme si la fille n’aurait jamais changé.
Elle conclut que pour faire face à cette situation de grossesse non-désirée, elle s’est vite lancée dans le petit commerce des avocats afin de ne pas dépendre de qui que ce soit pour couvrir facilement certains besoins.
Nitunga Nicole consœur de Irangabiye , élève de la 2ème année, signale que la fille se voit marginalisée par la société et le manque de moyens financiers serait l’un des facteurs qui font que les filles se laissent souvent duper par les gens mal intentionnés. Selon cette jeune fille de 19 ans, une grossesse précoce paraît finalement comme une déception envers la famille qui n’a ménagé aucun effort pour sa scolarisation et cela pourra alors affecter même le psychique de la victime qui se sent toujours coupable.
Selon une étude sur les grossesses en milieu scolaire (p.35), au niveau de la famille, les parents sont désolés et désespérés, surtout les mères au moment où les condisciples dénigrent leurs paires.
Hazigamimana Anastase, doyen de l’établissement rassure qu’il se sent préoccupé par ces situations devenues aujourd’hui monnaie courante. Il souhaite que ses sœurs aient les pieds sur terre et qu’elles se méfient de tous ceux qui veulent les dérouter. Elles doivent rester tranquilles et suivre les études étant surtout satisfaites du peu de moyens à leur disposition et aussi ne prêtant pas oreilles aux propos des flatteurs dont la finalité de leur flatterie est de mettre la vie de ces filles en danger.
Et parmi les voies de sortie proposées figurent la facilitation de l’accès à l’autonomie financière chez les filles pour que ces dernières soient en mesure de s’imposer face aux sollicitations sexuelles faites par les hommes qui, des fois, profitent de la précarité dans laquelle vivent certaines filles.
L’autorité locale informe que l’on a déjà fait le constat de cet état de choses. Innocent Minani chef de zone Rukeco indique que l’on avait décidé temporairement la suspension des maisons de cinéma car elles projettent souvent des films dont le contenu est contre les bonnes mœurs et la culture burundaise. Et partant les jeunes sont induits dans la violation des bonnes mœurs et de la culture burundaise, ce qui influe certes sur la recrudescence des cas de grossesses précoces en milieux scolaires.
Il en sera de même pour les moins de 18 ans qui se sont vus refuser le droit de fréquenter ces maisons, et cela dans la logique de prévenir voire éradiquer le fléau. Il laisse entendre que différents partenaires de l’éducation dans la localité sont mobilisés pour conjuguer les efforts en vue de mettre fin à ce phénomène.
La Fondation Stamm est l’une des organisations qui se sont aperçues en premier lieu les dangers que pourrait occasionner la situation si rien n’est fait. Le chargé de suivi des groupes de solidarité encadrés par la même fondation en commune Busiga avertit que cela aura non seulement de l’impact négatif sur l’éducation des jeunes suite au cas d’abandons scolaires, mais aussi le phénomène constitue une source d’insécurité dans la mesure où certaines filles ont tendance à recourir à l’avortement.
Patrick Haberiteka trouve qu’une fille mère avait encore la chance de poursuivre ses études mais une partie des victimes se croit insupportée par la communauté qui l’a marginalisée durant l’épreuve. Dans cette même logique, la Fondation Stamm travaille en franche collaboration avec les groupes de solidarité, l’administration, les comités de protection de l’enfance au niveau collinaire et les directeurs des établissements scolaires en matière de réintégration scolaire chez les filles-mères.
L’autre action concrète menée par la même fondation selon toujours Haberiteka, c’est l’appui des filles mères réintégrées. « Il y en a qui sont démunies quant au paiement de certains frais et les groupes de solidarité sont les premiers à intervenir selon les moyens à leurs disposition », rassure Haberiteka. Toutefois, martèle cet œil de la Fondation Stamm, les filles qui ne sont pas éligibles au redoublement ou ayant déjà échoué deux fois se voient accorder la chance d’apprendre le métier avec l’appui de la même organisation pour se préparer un bon avenir.
« La Fondation Stamm entend d’ailleurs poursuivre les séances de sensibilisation des jeunes filles sur le changement de comportement pour ne pas s’exposer à tous ces dangers », conclut Patrick.
Pour protéger les jeunes filles, les instances habilitées devront prendre en main la question relative aux grossesses précoces, surtout ne jamais tolérer l’impunité.
Cet article a été rédigé grâce à l’appui de la Fondation Stamm avec des fonds de l’Unicef